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Appel à communication : L’argent numérique : pratiques et enjeux

Cette journée d’étude propose d’ouvrir un partage des travaux de recherche sur « l’argent numérique » dans le prolongement du dossier de la revue Réseaux paru en 2023.

« Vous avez le sans contact ? », « La carte du magasin peut-être ? » ; « Comment voulez-vous régler? »,« Je déduis de la cagnotte » ? » ou encore « Je te fais un Lydia ? » Devenues banales dans les actes d’achat, ces questions engagent des infrastructures, des cadres réglementaires, des innovations, des normes techniques, des marchés, des start-up et des GAFAM, des banques et des intermédiaires, des données.

La journée d’étude propose d’interroger les évolutions induites par ces nouvelles formes monétaires numériques, leurs conséquences sur le monde marchand et les consommateurs. Nous sollicitons des contributions empiriques originales des différentes disciplines des sciences humaines et sociales, et s’inscrivant dans l’un des quatre enjeux identifiés ci-dessous.

  1. Préparer et contrôler la cashless society

Le sujet de la disparition de l’argent liquide et le concept d’une « cashless society » agrègent et catalysent un ensemble varié et disparate d’initiatives, d’innovations, d’acteurs et de discours autour des moyens de paiement. Ces dix dernières années, plusieurs pays se sont engagés activement dans des programmes de remplacement du cash par des systèmes de paiement électronique, notamment afin de gérer les transferts sociaux (Mexique, Afrique du Sud), pour éliminer l’usage du cash des transactions économiques (en Inde, en Chine), pour mettre en circulation de monnaies numériques de banque centrale (MNBC). Du côté des initiatives privées, les dernières décennies ont vu se multiplier les services de portefeuille électronique et de paiement par mobile dans les pays du Nord (Apple Pay, Google Pay, Square, Amazon Go, etc.) et du Sud (M-pesa, Orange Money, etc.). Enfin, les cryptomonnaies, rendues célèbres avec le Bitcoin, sont une autre concurrence numérique aux monnaies nationales. Ces évolutions vers des sociétés cashless ou less cash soulèvent de nombreuses questions sur les moyens de paiement numériques, les controverses et contestations qui les accompagnent, les nouvelles pratiques qu’ils suscitent.

  • Fabriquer et exploiter les données du paiement

Le second enjeu est celui de la datafication et de la plateformisation qui accompagnent l’argent numérisé. L’essor du paiement sur internet dans les années 2000, et aujourd’hui du paiement sur smartphone, dessinent de nouvelles infrastructures, de nouveaux circuits de circulation de l’argent. De nouveaux intermédiaires issus de l’univers des nouvelles technologies renouvellent le paysage des banques et des opérateurs de cartes (Visa, Mastercard) : fabricants de smartphones, concepteurs de terminaux de paiement compatibles, développeurs de systèmes d’exploitation mobiles, fournisseurs de solutions de transfert, de sécurisation, d’authentification. Ces infrastructures numériques sont associées à de nombreuses données sur les consommateurs : les traces associées aux actes de paiement, les données personnelles fournies pour créer les comptes nécessaires à l’argent digital, les données recueillies par les commerçants. Le contenu de ces données disparates, leur circulation entre les acteurs du paiement et au-delà, leur place dans des modèles de revenus des nouveaux acteurs, ou encore leurs effets indirects sur les individus, constituent à ce jour un champ d’exploration largement ouvert.

  • Usages sociaux des moyens de paiement et de stockage de l’argent.

Un troisième enjeu a trait aux pratiques de l’argent numérique. L’analyse classique des pratiques de “marquage social” de l’argent, et en particulier celles des ménages populaires et précaires, insiste sur l’importance des modalités de séparation matérielle permettant d’affecter chaque somme d’argent à une dépense précise (boîte, enveloppe, tirelire, etc.). Les formes monétaires numériques ouvrent aux consommateurs un second âge de la bancarisation, qui renouvelle les registres pratiques du marquage. Les formes monétaires numériques se distribuent dans de multiples supports et outils de circulation : comptes en banques, agrégateurs, application de transfert et de cagnottes, cartes de fidélité et de crédit chez les commerçants, devises étrangères et crypto-monnaies, etc. Ces supports modifient la manière dont les individus peuvent affecter symboliquement l’argent : Paypal pour tel type d’achat, Revolut pour tel autre, etc. Mais ils embarquent également des formes de marquage (par exemple : la codification des dépenses dans la gestion des comptes), et constituent parfois des formes d’argent fléchées, pré-attribuées (ex : l’argent des bons plans des commerçants, les comptes destinés à certaines populations très pauvres ou très riches). Ces évolutions ouvrent de nouvelles questions de recherche sur les pratiques créatives de cloisonnement des moyens de paiement déployées par les individus, et l’articulation entre les différentes formes monétaires, numériques ou non.

  • Exclusion bancaire et financière

Un quatrième enjeu identifié concerne l’inclusion. Le déploiement de nouvelles formes monétaires numériques soulève la question de l’égale capacité de tous à y accéder. Le coût des terminaux, des abonnements, les filtres de sélection des clients des nouveaux services, les procédures de sécurisation des paiements constituent de nouvelles barrières pour accéder à l’argent numérique. Ce cadre général donne lieu à des situations locales variables selon les formes monétaires en place et la situation socioéconomique des individus : dans les Nords, ces situations nouvelles d’exclusion bancaire appellent une adaptation des politiques de lutte contre l’exclusion bancaire et financière et de ses enjeux. Dans les pays dits du Sud où la bancarisation des ménages n’est pas toujours la norme, les solidarités familiales ou locales sont le support de contournements des dispositifs de filtrage de l’accès à l’argent et au crédit, par exemple le prêt de carte de crédit entre membres d’une famille élargie pour accéder aux services financiers au Brésil. Ainsi, les formes d’exclusion suscitées par l’argent numérique sont la source d’un large répertoire de pratiques de contournement, d’évitement, d’adaptation, encore insuffisamment décrites dans la littérature.

Cette journée souhaite ainsi faire dialoguer des travaux et enquêtes issus des différents champs des sciences sociales, en particulier la sociologie, l’économie, les sciences de gestion, les sciences de l’information et de la communication.

L’événement est coorganisé avec le Réseau « Sociologie de la Consommation et du Numérique » (RT11) de l’Association Française de Sociologie, et la Banque de France.

La journée d’étude, gratuite et ouverte à tou.te.s sur inscription, se déroulera le mercredi 25 septembre 2024 à la Banque de France, rue Croix des Petits Champs, à Paris. Elle sera également retransmise en visio.

Modalités de soumission des propositions de communication

Les chercheurs.ses souhaitant partager leurs travaux lors de cette journée d’étude sont invité.e.s à envoyer un titre et un résumé d’une page maximum de leur intervention, à l’adresse je.argentnumerique2024@gmail.com.

Ces propositions doivent être envoyées au plus tard le lundi 03 juin 2024.

Le comité d’organisation fera un retour mi-juin, et établira un programme fin juin.

Comité scientifique et d’organisation

Thomas Beauvisage (Orange Labs – SENSE)

Aminata Coly (Université Gustave Eiffel, LATTS, Orange Labs) Aude Danieli (Université de Caen – CERREV)

Hélène Ducourant (Université Gustave Eiffel – LATTS), membre du RT11 de l’AFS